Sueursfroides: CRITIQUE NIGHT GOD

Source: Sueursfroides: CRITIQUE NIGHT GOD

Un père et sa fille traversent un monde apocalyptique où la lumière semble avoir disparu, hormis quelques météorites éclairant les ténèbres. Dans cet univers cauchemardesque, violent et absurde, on raconte que quiconque regardera le Dieu de la Nuit périra.

NIGHT GOD est un parfait complément de THE PLAQUE AT THE KARATAS VILLAGE dont il conserve le même univers et le même dispositif de mise en scène et les mêmes intentions. Deux ans après avoir présenté le second, l'Etrange Festival 2018 consacre à son réalisateur une ri che rétrospective, qui nous permet d'imbriquer les divers films entre eux et de nous attacher ici à la première partie de ce qu'on considèrera comme un diptyque : NIGHT GOD.

La mise en scène s'y conçoit via des plans séquences, par le biais d'une caméra si pas statique du moins dotée de mouvements lents permettant de bien explorer l'intérieur du cadre. De nombreux travellings latéraux permettent de dessiner un portrait horizontal des décors. L'impression picturale est donc très forte. Encore renforcée par la direction d 'acteur qui privilégie des protagonistes quasi immobiles dans le cadre et qui laissent le soin du mouvement au seul protagoniste principal.

Le paysage est uniformément nocturne (« le soleil a disparu ») et très travaillé chromatiquement.

La direction artistique plante le décor d'un monde en déréliction, d'une ville peuplée de fantômes qui errent dans des immeubles sales et délabrés, semi inondés tandis que dehors meurent lentement quelques feux disséminés au hasard des rues délabrées et des terrains vagues abandonnés.

On l'aura compris, la proposition esthétique est forte.

Le travail sonore ne l'est pas moins, qui nourrit l'image de bruit de fond répétitifs lancinants.

Le réalisateur nous dépeint une société kazakhe à l'abandon depuis la fin de l'URSS, gangrénée de corruption et dans laquelle se débattent en vain les protagonistes. Un monde absurde habité de personnages perdus.

Ici, notre héros est manipulé pour commettre un attentat suicide. Découvert, il doit obtenir d'un imam un document attestant de sa non radicalisation. Procédure kafkaienne et sans issue.

Par après, Yerzanov tentera un contrepoint esthétique avec LA TENDRE INDIFFERENCE DU MONDE, dont le parti pris naturaliste, la direction réaliste et l'ambiance solaire servent pourtant exactement le même propos : la société kazakhe est corrompue, n'offrent pas de débouchés à sa jeunesse et est prête à la vendre pour une bouchée de pain à ses hommes d'affaires véreux. La conclusion n'en est guère plus optimiste.

En quelques films, Yerzanov s'impose comme un cinéaste à suivre de près.